jeudi 9 avril 2009

art et pouvoir politique

Salut à tous!
Je reviens avec un article non pas de sociologie mais d'ethnomusicologie (si si ça existe vraiment cette discipline avec des chercheurs, des étudiants et même des diplômes !!)
Sabine Trebinjac est chercheur au CNRS, au Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparatives, à l’Université Nanterre - Paris X. Elle est à la fois ethnologue, historienne, sociologue de la musique et sinologue. Ses travaux de recherche portent sur la Chine ancienne et contemporaine, elle étudie notamment les relations entre la politique d’Etat et la musique.
Sabine Trebinjac pour son étude est partie de deux constats :
1 -toutes les musiques des minorités présentes en Chine se ressemblent
2- il existe dans les universités des classes de compositions pour l’apprentissage d’une musique populaire
Face à ces deux constats il convient de s’interroger sur le poids du pouvoir politique sur la musique. En effet si malgré la différence de culture de ces minorités (langue, histoire….) il y a une ressemblance des musiques, cela signifie qu’il y a quelque part dans le gouvernement un contrôle de la production de ces musiques populaires.

La chercheuse a donc procédé à une analyse fonctionnelle : l’organisation des institutions musicales est le reflet de l’organisation nationale, provinciale et locale de l’Etat. Ainsi, selon elle, la musique est à la fois ferment de la légitimité politique et symbole du pouvoir tant elle est étroitement liée au domaine politique. En effet, appelés à collecter les musiques de Chine, la dizaine de milliers de fonctionnaires qui travaillent au gouvernement œuvrent de fait à la fabrication d'une musique nationale chinoise.
Voici comment se déroule cette construction de la musique populaire :
Pékin décide de collecter des chants au niveau régional ou provincial puis au niveau local avec un contrôle de la part des fonctionnaires à tous les niveaux. Une fois ces chants collectés,
le corpus est envoyé à Pékin pour être réécrit. Il y a donc un contrôle de l’Etat sur la musique populaire et donc sur les traditions populaires. On parle à ce moment là de traditionalisme d’Etat car la tradition est nettoyée pour être saisie par l’Etat. En fabriquant une musique populaire de toute pièce, l’Etat chinois a le souhait d’établir une unité nationale. La musique est donc au service de l’Etat.

Dans quel cas la musique ou tout autre art peuvent être saisit par le pouvoir politique ?
Ceci s’applique t’il seulement aux sociétés orientales ? Qu’en est-il de nos sociétés occidentales ? En effet, le pouvoir, par définition, cherche à être suivi, obéi, soutenu : artistes et œuvres d’art peuvent être à cet effet des auxiliaires précieux de cet objectif.
L’art et le pouvoir politique sont inévitablement lié car les artistes sont amenés à se déterminer par rapport au pouvoir politique de leur temps qu’ils choisissent de le servir, de le combattre ou de se montrer indifférents.

Sabine Trébinjac explique ses recherches dans cette vidéo.

4 commentaires:

  1. Fascinant. Je me suis permis d'ajouter la vidéo, même si elle est super longue et dans un style universitaire un poil relou.
    On peut aussi se poser la question : Si le pouvoir central chinois procède à une réécriture de l'histoire musicale, l'uniformisation de la culture mondiale sur la base de la culture dominante n'a-t-elle pas les mêmes effets ailleurs dans le monde ?
    Toutes deux ne mentent-elles pas à l'extinction des cultures musicales traditionnelles ?

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  2. je regardais un reportage sur la russie et la politique, il y peu, et la conclusion était que pour gouverner des états aussi vaste qu'éclectique, il fallait tout gérer, ramener toutes les informations au plus haut niveau de commandement afin que ces derniers génèrent une version beta des faits qui montrent la grandeur du gouvernement, alors là c'était pas sur la musique mais plus sur la terreur et la mise sur écoute, mais bon il n'y a qu'un pas, ou pas.

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  3. Un post très intéressant en effet. Merci Emilie. :)
    Pour ce qui est de mon avis personnel, je crois que la Chine a dû "bosser" longtemps, avec les moyens peu recommandable que l'on sait, pour en arriver à cet état de fait. La situation actuelle est un résultat logique. Dans le monde occidental (non, moi non plus j'aime pas cette expression mais au moins ça parle à tous) par contre, la musique est certainement le plus formidable vecteur de diversité qui soit. S'il y a une lueur d'espoir face à une globalisation forcée et ratée, c'est bien la musique. Surtout depuis l'avènement d'Internet ! Donc là on peut vraiment parler de fossé entre la Chine et nous. Impossible, amha, de nous retrouver dans une telle situation avant très longtemps. Myspace rules. :)

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  4. De mon côté, je ne pense pas qu’il y ait une véritable uniformisation de la culture. Le processus d’acculturation est quelque chose de complexe. En effet il n’y a pas de véritable harmonisation ou convergence des cultures vers un même modèle mais plutôt acculturation des cultures vers un modèle occidental avec préservation de leurs spécificités socio culturelles sans quoi cela serait un vrai génocide culturel. Les peuples font un tri entre les différents éléments culturels et ils les réinterprètent pour qu’ils soient compatibles avec leur culture. La culture occidentale serait alors plutôt un modèle. Cependant dans un pays comme la Chine, la culture interne est déjà contrôlée par le pouvoir politique, ce qui laisse peu de place à la réinterprétation culturelle par le peuple par exemple. Donc je ne pense pas qu’une extinction des cultures traditionnelles soit possible mais plutôt qu’il y ait une réinterprétation de nos propres cultures par rapport à un modèle qui nous parait correspondre le mieux à nos attentes.
    De plus, j’ai trouvé sur le net une information assez intéressante :
    « En 2005, malgré l’opposition des Etats-Unis, les Etats membres de l’Unesco ont signé une convention sur la protection et la promotion de la diversité culturelle. La culture, c'est à dire l'ensemble des manières de faire, de penser et de sentir propre à une collectivité humaine, ne doit pas être une marchandise comme les autres »

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